Au début, tout va bien : François rencontre Nathalie dans la rue, l'emmène boire un verre, coup de foudre réciproque, il travaille dans la finance, elle est commerciale chez Ikea, ce qui ne leur correspond ni à l'un ni à l'autre, mais ma brave dame il faut bien gagner sa vie, au bout de quelques mois, François demande Nathalie en mariage par puzzle interposée (romantisme attendrissant ou mièvrerie répugnante ? On n'ose trancher), les deux tourtereaux se marient sous la pluie mais leur amour est plus fort que tout... Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, les voilà dans leur bulle, vivant leur amour les yeux dans les yeux. Et puis, d'un coup, Paf le chien. Enfin, Paf le François, en l'occurrence. En allant faire un jogging pendant que sa chère et tendre lit tranquillement un roman russe méconnu en buvant du thé (vous avez dit bobo ?), François se fait percuter par un camion de livraison. La tuile, comme on dit. Après quelques jours dans le coma, il s'éteint paisiblement à l'hôpital, veillé par sa femme qui ne comprend pas comment elle a pu devenir veuve si jeune, alors que tout la prédisposait à une vie merveilleuse avec l'homme de ses rêves. Oui, mais sans ça, pas de roman, finalement. Nathalie va alors sombrer dans une grave dépression, refusant de sortir, de s'alimenter, de surmonter son deuil. Même les avances peu subtitles de Charles, son patron, ne parviennent pas à la tirer de sa torpeur. Jusqu'au jour où, bien des mois et des larmes plus tard, elle découvre un de ses collèges, un Suédois un peu malhabile nommé Markus...

 

"Le roman aux dix prix littéraires", annonce en toute modestie le bandeau apposé sur les exemplaires de ce roman. Prix parmi lesquels doivent figurer, à n'en pas douter, le prix mondial de la cucuterie, le prix Marc Levy du style le plus exaspérant, le prix Anna Gavalda de la meilleure histoire d'amour improbable qui va faire pleurer dans les chaumières... Vous l'aurez compris, avec de telles références, on part avec du lourd, du très très lourd. Bon, je me moque, et même mon résumé est un peu cynique, mais au début, il faut bien reconnaître que c'estdelicatesse.jpg plutôt frais, mignon, pas trop désagréable (surtout la scène du bar tout au début, dévoilée dans la quatrième de couverture, sans doute le meilleur passage du roman)... Et puis, ça se gâte. Ce qui s'annonçait comme un petit roman léger et sans prétention se met à vouloir jouer dans la cour des grands, mais dans le style téléfilm de M6 : et vas-y que je te sors les violons à tout bout de champ, et le roman sympathique se transforme rapidement en mélo-plus-pathétique-tu-meurs, avec des scènes qu'on voit arriver à des kilomètres, aussi originales qu'un combo tongs-bob-Ricard sur le passage du Tour de France. Seul point positif du livre, finalement : la bonne idée des chapitres "intercalaires" en forme de listes ou de remarques improbables mais liées au sujet du chapitre précédent (dictons stupides, chansons imaginaires écrites par John Lennon, recettes de cuisine, code d'immeuble...). Après deux cents pages qui auraient aussi bien pu être écrites par un collégien, on se retrouve avec un bouquin digne des meilleurs dossiers de Cosmopolitan, avec une psychologie des personnages à peu près aussi travaillée qu'un épisode de D&Co. Et, surtout, pourquoi, mais pourquoi, l'auteur nous inflige-t-il ses "trouvailles littéraires" absolument horripilantes, amenées aussi naturellement qu'une citation de Kant dans la bouche de Loana, dont je vous cite quelques exemples, pour que vous compreniez bien la douleur du lecteur : "Elle était à l'acmé de sa beauté", "Elle voulait retrouver une légèreté, fût-elle insoutenable", "Il était Armstrong sur la lune. Ce baiser était un grand pas pour son humanité.", "Elle était partie en courant de ses lèvres","La beauté de Nathalie, il l'avait perçue comme un ultime rivage : celui du ravage"... En somme, quelques (rares) instants de grâce (notamment dans les premiers chapitres), beaucoup de clichés aussi littéraires que stylistiques, une intrigue aussi complexe et originale qu'un roman de Guillaume Musso... Un roman bien médiocre, vite oubliable, vite oublié, et la vraie délicatesse aurait été de nous épargner ce livre.  1,5 étoile

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