Moins que zéro, de Bret Easton Ellis
28 févr. 2011Clay, adolescent appartenant à la jeunesse dorée californienne, revient passer un mois de vacances à Los Angeles, après être parti s'enterrer pendant plusieurs mois dans le New Hampshire pour ses études. De retour chez lui donc, Clay retrouve ses divers amis et connaissances, son dealer, sa petite amie, Blair, pour qui il n'est plus très sûr d'éprouver des sentiments, mais avec qui il n'a jamais pris la peine de mettre les choses au point, ses parents, égoïstes et toujours absents, ses soeurs, frivoles et stupides... Tout un petit monde dans lequel il a ses habitudes et avec lequel il se sent dans son élément. Désormais, les jours se suivent et se ressemblent, cocaïne en guise de petit déjeuner, coups de téléphones aux amis, sorties au bar ou au cinéma, et soirées décadentes qui s'enchaînent jusqu'au bout de la nuit... Le tout copieusement arrosé d'alcool, de sexe et de drogues, seuls moyens de tromper l'ennui viscéral qui s'est installé dans la vie de ces adolescents sans repères ni limites. Rien ne les intéresse, ils semblent ne vivre qu'au jour le jour, leurs principales préoccupations se limitant à savoir où et quand il pourront acheter leur prochaine dose de drogue, et comment ils emploieront leur soirée. Et en cas de petit coup de blues dans la journée, ils allument MTV, prennent un Valium et se font un nouveau rail de coke, histoire de chasser les soucis pour un temps...
Quel ennui, mais quel ennui ! Les personnages s'ennuient, l'auteur s'ennuie, le lecteur s'ennuie... On dirait du Gossip Girl version californienne, en plus trash, plus glauque et moins drôle. Ici, point de rebondissements, de suspense, même minime, tout n'est que dialogues creux, personnages sans intérêt et remarques inutiles. On se perd en considérations futiles, tandis que les personnages ne prennent jamais la peine de se pencher sur les vrais problèmes, se bornant à constater l'ennui profond dans lequel ils se trouvent plongés, et que seuls les pires excès parviennent encore, pour un moment, à briser. L'ensemble est agaçant au possible, avec un héros nombriliste, narcissique, complètement ahuri, qui n'arrive pas à mettre ses trois neurones bout à bout pour réfléchir avec un minimum de profondeur au sens de sa vie, à la débauche qui l'entoure, aux influences pernicieuses de ses amis... De quoi énerver passablement le lecteur, qui ne s'identifie jamais à ce personnage égoïste et vain. On prie pour qu'il se passe enfin quelque chose, pour que le narrateur arrête d'accumuler les scènes répétitives (soirées, défonce, sexe, discussions absurdes), pour que les personnages se réveillent et fassent quelque chose d'intéressant. Las ! Ce roman est aussi creux que les personnages qu'il cherche à dénoncer, et ne parvient jamais à capter l'attention du lecteur, qui ne souhaite qu'une chose : que le calvaire s'arrête enfin. Le style est volontairement minimaliste, la traduction épouvantable (avec de nombreuses fautes de syntaxe impardonnables), et jamais on ne ressent la moindre empathie pour ces pauvres adolescents issus de la jeunesse dorée qui n'ont rien d'autre à faire qu'à contempler le vide intersidéral de leur existence. Ajoutons que le livre, comme tous les romans de Bret Easton Ellis d'ailleurs, semble être sponsorisé par MTV, tant la chaîne est citée régulièrement dans le roman, comme si l'auteur ne connaissait que celle-là. On a souvent comparé ce premier roman, soi-disant "halluciné", à L'attrape-coeurs de Salinger (encore un prétendu chef-d'oeuvre qui ne mérite absolument pas le succès populaire qu'il a remporté), mais dans ce dernier, au moins, il y avait un minimum d'intrigue et de rebondissements. Ici, rien, le néant complet, rien que des suites de phrases vides alignées sur les pages comme pour faire du remplissage. Quant il s'agissait de peindre l'ennui et le vide de l'existence, Proust, lui, avait du talent, là où Bret Easton Ellis n'a rien que du vent. La pique est facile, mais "moins que zéro", c'est la note que ce roman méritait. 0,5 étoiles